ISSN 1840 - 8184 Justice, Vérité, Miséricorde HEBDOMADAIRE CATHOLIQUE NUMÉRO 1797 du 31 janvier 2025 N° 1221/MISP / DC / SG / DGAI / SCC
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Justice, Vérité, Miséricorde Journal 1797 du 31 janvier 2025

MENACE NUCLEAIRE

Comme une épée de Damoclès

En s’appuyant sur les différents appels du Pape François l’an dernier à préserver la paix dans le monde, le Professeur Athanase Gouhizoun rappelle les conséquences de la guerre. Il fait également un état des lieux des pays détenteurs de l’arme nucléaire, et qui jouent avec la fragilité du monde.

Athanase Gouhizoun

Le monde va mal. On le sait. Et toutes les guerres actuelles en sont le témoignage. Le Pape François dans son message à l’occasion de la 58e Journée mondiale de la paix (1er janvier 2025) inspiré de sa Bulle d’Indiction du Jubilé ordinaire de l’Année 2025 invite tout le monde entier à se mettre à l’écoute du « Cri de l’humanité ». L’humanité crie aujourd’hui sous des conflits armés, et pire, sous une menace nucléaire. La genèse des missiles balistiques Une guerre nucléaire est basée sur l’utilisation des missiles balistiques. Les missiles sont le plus souvent associés à la notion d’armes de destruction massive, terme qui désigne les armes nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques. L’histoire des missiles balistiques naît au XXe siècle suite à des essais effectués par quelques scientifiques précurseurs de l’exploration de l’espace. Elle débute véritablement en 1944 lorsque des missiles balistiques V2 sont utilisés pour la première fois par l’Allemagne nazie au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Durant la Guerre Froide, ce type d’arme connaît un développement considérable. Capitalisant le savoir-faire des ingénieurs allemands, les États-Unis et l’Union Soviétique se lancent dans des projets de développement de missiles qui débouchent dans les années 1950 sur des armes opérationnelles capables d’emporter une ogive nucléaire à une distance pouvant atteindre plusieurs milliers de kilomètres. Des milliers de missiles sont produits dans les années 1960 par les deux super puissances (États-Unis, Union Soviétique), en vue d’équiper soit leurs forces sur les théâtres d’opération, soit leurs forces nucléaires stratégiques. Un missile balistique peut porter plusieurs ogives permettant de frapper des objectifs différents dans une même zone, sur une longue portée (supérieure à 5.500 km pour les missiles balistiques intercontinentaux, Icbm), à portée intermédiaire (entre 3.000 et 5.500 km, Irbm), à portée moyenne (entre 1.000 et 3.000 km, Mrbm), et à courte portée (maximale 1.000 km, Srbm). Déjà en 2017, tous les membres permanents du Conseil de Sécurité (Etats-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni, France) disposent de systèmes opérationnels permettant de lancer des Icbm. 9 Etats dotés de l’arme nucléaire en 2024 La Chine se lance dans le développement de ce type d’arme dans les années 1960. Les prouesses technologiques chinoises en la matière suivent de plus en plus près les recherches américaines et russes. Les tensions récurrentes entre la Chine, les Etats-Unis et l’Inde ont poussé le géant asiatique à s’armer considérablement, et notamment avec des missiles nucléaires. Le pays a construit officiellement une centaine de sites de lancement de missiles nucléaires sur son territoire et a testé avec un certain succès mi-octobre 2021, un missile à vitesse hypersonique d’une portée illimitée. En 2023, la Chine comptait déjà plus de lanceurs de missiles terrestres à portée intercontinentale que les Etats-Unis. Mark Rutte, Secrétaire Général de l’Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (Otan), a affirmé que la Chine disposera d’environ 1.500 ogives nucléaires d’ici 2035. D’après le dernier Rapport publié le 17 juin 2024 par l’Institut international de recherche sur la paix (Sipri), la Russie disposerait en janvier de la même année, du plus large arsenal nucléaire au monde, estimé à 4.380 ogives prêtes à l’emploi et opérationnelles, avec 6.225 bombes nucléaires. En termes de puissance militaire mondiale en 2024, les Etats-Unis occupent le 2e rang (5.500 bombes nucléaires) après la Russie, la Chine (350 bombes nucléaires) et l’Inde (156 bombes nucléaires). Entre-temps, d’autres pays se sont dotés de l’arme nucléaire : le Pakistan, la Corée du Nord et Israël, bien que ce pays n’en ait jamais fait état. Ce qui porte à 9 Etats déjà dotés de l’arme nucléaire en 2024. Il faut remarquer que les missiles balistiques ne sont maîtrisés que par seulement 7 pays : Russie, Etats-Unis, Chine, Royaume Uni, France, Inde, Corée du Nord. Cette maîtrise confère à ces pays la colonne vertébrale de la dissuasion nucléaire, laquelle est d’autant plus vitale pour le monde entier que les conséquences d’une guerre nucléaire sont aussi inimaginables que dévastatrices. Bref, ces 9 pays ont de quoi faire sauter le monde plusieurs milliers de fois. "Ayons le courage de changer les choses" Une guerre nucléaire enverrait tellement de suie (noir de fumée mêlé d’impuretés que produisent les combustibles qui ne brûlent qu’incomplètement) dans l’atmosphère qu’elle provoquerait un hiver nucléaire. Selon la modélisation publiée dans Jrg Atmosphère en octobre 2021, une guerre nucléaire entre les Etats-Unis et la Russie produirait 150 millions de tonnes de fumée. Se trouver sous une explosion nucléaire, c’est s’exposer à des températures de 5.000° C, une onde de choc qui parcourt 350 mètres par seconde, avec une pression de 3 tonnes par m², sans oublier les rayonnements ionisants. Selon les spécialistes, « une guerre nucléaire limitée à une région, entre l’Inde et le Pakistan par exemple, qui n’impliquerait que quelques centaines d’ogives nucléaires, entraînerait environ deux milliards de décès. La vie quotidienne des survivants changerait du tout au tout. Selon Richard Lenname, conseiller politique sur les armes nucléaires au Comité international de la Croix-Rouge (Cicr), la vie reviendrait vraiment à un état très primitif pour de nombreuses personnes. On ne saurait ici s’amuser à faire peur. La guerre est toujours une mauvaise chose, et une guerre nucléaire l’est davantage. Comme si tout cela ne suffisait pas, nous avons des agressions récentes (la Crimée en 2014, la Russie et l’Ukraine en 2022, Israël-Gaza-Liban en 2024) dans lesquelles sont impliqués des pays détenteurs de l’arme nucléaire. La situation est d’autant plus préoccupante que nous sommes exposés dans ces conflits à des risques et menaces réelles d’utilisation de l’arme nucléaire. En juillet 2024, la Chine annonçait la suspension des négociations avec les Usa sur le contrôle des armements et la non-prolifération nucléaire, en réponse au soutien militaire de Washington au profit de Taïwan ; et l'ex-président américain Joe Biden a affirmé concernant le conflit russo-ukrainien qu’il assumerait une montée éventuelle aux extrêmes, si l’offensive russe en venait à s’étendre au territoire d’un des membres de l’Otan. La menace nucléaire existe et plane comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Il faut en être conscient. A l’occasion de la 61e Journée de prière pour les vocations le 21 avril 2024, le Saint-Père nous demande de « semer l’Espérance ». Le 24 décembre de la même année, à l’inauguration du Jubilé de l’an 2025, le Pape nous appelle à ne pas confondre l’Espérance chrétienne avec une « fin heureuse » à attendre passivement. Il faut y travailler en s’indignant des choses qui ne vont pas, et avoir le courage de les changer ». Les choses qui ne vont pas, c’est aussi la guerre qui peut conduire à la guerre nucléaire. Ayons le courage de changer les choses qui ne vont pas pendant cette année jubilaire 2025. Ce n’est que de cette manière que l’Espérance ne peut pas décevoir (Bulle d’indiction du Jubilé Ordinaire de l’année 2025).